Manie (nom féminin) : "Goût excessif, déraisonnable pour quelque chose." Cette newsletter porte bien son nom, puisqu’elle compile toutes ces (jolies) choses et personnes (passionnantes) qui m’obsèdent. En ce moment ? Le magazine MacGuffin.
J’ai toujours aimé les magazines indépendants. Ceux qui racontent (et pensent) les choses différemment. Et puis un jour je suis tombée sur MacGuffin — et j’ai eu un gros coup de cœur. J’ai développé pour la revue une (grosse) manie, qui ne m’a jamais vraiment quittée. C’est donc tout naturellement que j’ai échangé avec Kirsten Algera, la rédactrice en cheffe.
Comment l'aventure MacGuffin a-t-elle commencé ?
C’était il y a huit ans. Nous étions principalement inspirés, ou plutôt pas assez inspirés, par le monde encombré du design dans lequel nous travaillions. Nous avions l'impression que l'industrie était surtout obsédée par le succès commercial des designers vedettes et des nouvelles chaises à la mode.
À contrario, qu’est-ce qui vous inspirez à l’époque ?
Nous étions davantage fascinés par la vie après la mort des objets, plutôt que par leur aspect novateur. Comment sont-ils utilisés ? À quoi ressemble le monde lorsque vous l'observez à travers les objets qui vous entourent ? Nous avons ressenti le besoin de créer une plateforme pour proposer une autre définition du design. Nous avons pensé à un magazine et lancé l'idée à quelques connaissances. Bon nombre nous a dit : “Mais vous êtes fous ! Un magazine ? Pourquoi ne pas créer un site internet ? Faites une exposition ! Pourquoi sacrifier des milliers de kilos de papier ?”
Mais vous êtes allés au bout de votre idée.
Oui, car nous étions convaincus qu'un magazine serait le meilleur support pour exposer nos recherches, des lectures plus longues et les essais visuels que nous avions en tête. Nous voulions en quelque sorte faire une exposition mobile. Quelque chose que l'on puisse garder et emporter avec soi. Pour y parvenir, nous avons pensé qu'il valait mieux associer chaque magazine à un objet.
Si vous deviez décrire MacGuffin en une phrase, que diriez-vous ?
C’est un magazine sur la vie des choses.
D’ailleurs, que signifie MacGuffin ?
Alfred Hitchcock a inventé le mot "MacGuffin" pour désigner un objet qui, dans un film, trouble la narration. Nous avons emprunté ce nom parce que nous voulions créer une plateforme qui ne s'intéresse pas tant à la conception des objets, mais plutôt aux histoires qui en découlent.
Ernst [le co-fondateur, ndlr] et vous venez du monde du design : comment cela influence-t-il le travail que vous faites aujourd'hui pour MacGuffin ?
En 2015, nous avions une relation amour-haine avec le monde du design — ce qui a d’ailleurs été le point de départ de nos réflexions. Aujourd'hui, nous pensons que le monde du design a beaucoup changé. Nous organisons de nombreux ateliers avec des étudiants et la plupart d'entre eux ont une attitude complètement différente vis-à-vis du design, avec un grand D. Ils s'intéressent à la recherche contextuelle, à la géopolitique, se posent de nouvelles questions, mais ne s’attardent pas tant sur les formes inédites que les objets peuvent prendre ou sur les nouveautés.
Comment choisissez-vous ceux sur lesquels vous voulez travailler ?
Ils doivent présenter une certaine ambiguïté et jouer différents rôles, dans différents contextes. Notre liste est longue : je pense que nous pourrions faire un magazine sur n'importe quel objet. La plupart du temps, nous commençons par faire des recherches, puis presque chaque numéro débute par une œuvre ou un texte qui nous inspire.
Est-ce que vous avez un exemple ?
‘The Sink’ [numéro 4, ndlr] a commencé avec “Les villes invisibles”, de l'écrivain italien Italo Calvino. Il parle d'une ville souterraine entièrement constituée de tuyaux — "une forêt de tuyaux". Cette image, et l'idée qu'il existe un monde entre l'ici et l'ailleurs, nous a fascinés.